mercredi 9 avril 2008



vue en perspective de Debdou par le nord (direction Tafrata).


« Cette vallée a vaguement la forme d'un cornet dont Debdou serait le fond».


Le soir venu, sous la brise humide et glaciale, les feux s'éteignirent, le silence se fit, le camp s'endormit. Vers minuit, les détonations bruyantes éclatèrent de l'autre côté de l'oued. Les grosses balles ronronnantes traversèrent le camp comme pour nous narguer. Et puis, plus rien. Le silence retomba... Le lendemain, quand nous partîmes dans le matin froid, un cheval de goumier, seule victime de cette fusillade, marchait devant nous, le genou entouré de linges sanglants.
Quel enchantement que cette vallée! On a l'illusion de traverser quelque parc abandonné. Un chemin pierreux suit le bord de l'oued et le traverse quelquefois au grand désespoir des fantassins obligés de se déchausser. Nous passons dans des bosquets d'oliviers; dans les champs, l'orge est haute déjà. A un détour, la brume se lève et nous apercevons enfin Debdou, au fond de son cirque de montagnes. A gauche, c'est la «Gaâda», le plateau aux pentes abruptes et qui ferme la vallée comme une muraille. Au fond, le ksar, enlacement de cubes jaunes d'où émerge la mosquée biscornue, hérissée de poutres noires, «bâton tendus pour appeler les grands oiseaux de l'espace» (Loti)
Mais les grands oiseaux de l'espace aiment mieux décrire là-haut, le long de la falaise des cercles vertigineux et lents, les ailes toutes droites. Au sommet d'un éperon qui s'avance comme l'étrave d'un cuirassé et que le «mellah» où grouillent les juifs semble franger d'écume, s'éléve la kasbah Romrich, célèbre brigand jadis, aujourd'hui notre meilleur ami. A droite, le Nif Debdou cache sa cime dans les nuages gris. Sur les pentes qui descendent vers la rive droite de l'oued se serrent les tentes françaises; entre deux nuages un peu de soleil passe éclairant les trois couleurs qui claquent au vent de cette vallée. Tout autour un essaim de ksours bruns et muets nous contemple.

2 commentaires:

ariella r a dit…

Passionnants ces textes et tres instructifs sur les communautes vivant a Debdou au siecle dernier. Mais quelle est l'origine de ces textes ?
En tous les cas, ils sont a lire, tres certainement, pour connaitre un peu plus cette ville mysterieuse nommee "la petite Jerusalem".

Merci et felicitations

Othman a dit…

Merci à toi pour ton commentaire