mercredi 9 avril 2008

Debdou, 13 Mai 1911, suite


A l'aube indécise du lendemain, nous repartons pour Debdou. La pluie cingle, très froide. Tout est maussade et, vers 10 heures, nous atteignons les puit d'Oglat-Naja au centre d'une forêt solitaire. Dans ces puits baignent quelques cadavres d'ânes et de chiens. Mais nous buvons quand même. Que nous importe!


Sous un vieux chêne vert un feu s'allume. Autour de lui, les officiers de l'escadron déjeunent. B... ouvre sans conviction une boite de sardines et chacun s'essuie les yeux à cause de l'acre fumée. Sournoisement le cafard plane dans le silence général.


Camp Roumens et fortin Labordette

« Notre emplacement formait,dans un très léger vallonnement, un quadrilatère si vaste que le général s'écria «Mais nous allons à un nouveau Mennaba!». Il ne croyait pas si bien dire. »
Engoncé dans les plis de son capuchon de laine qui lui donne l'air de quelque moine guerrier, le commandant de L... mange sa sardine sur une croûte de pain amollie par la pluie; il boit dans un quart bosselé et j'ai l'impression que ça ne va pas.
A la boite de sardine succède un pot de confitures. Du fond de la caisse de popote , D... sort un informe morceau de fromage de hollande. « Est-ce la tout? Dit le commandant en dardant sur le pauvre chef de popote un regard furibond. - Mais oui, mon commandant.- Et vous croyez que je vais me contenter d'une saleté pareille? Du pain mouillé, des sardines humides, un feu qui fume, pas de café. Ah! Non, mon petit! Vous savez, que ce soit la dernière fois, sans cela je vous punis et comme motif: ne s'occupe pas de son peloton. » le pauvre D... navré s'en va la tête basse, projetant les cailloux au bout de son pied inconscient; onceques ne le vis plus ce jour-là.

Dans la brume et le froid, nous atteignîmes Foum el-Oued, à l'entré de la vallée de Debdou. Nous avons marché toute la journée transis, les hommes n'avaient sur le corps que leur costume kaki. Pourtant, ils étaient de bonne humeur! Mais les légionnaires n'étaient guère contents eux. Un Debdoubi qui leur servait de guide et dormant sur sa selle, les avait promenés en colimaçon à travers la forêt. Si bien que nous formions l'avant garde, nous ne vîmes plus rien derrière nous à un moment donné et fîmes rejoindre le goum qui patrouillait en avant. Le général Girardot momentanément séparé de sa cavalerie, en conçut une peine amère, mais fut consolé, je pense, en nous apercevant à la lisière du, attendant plein de confiance. Foum el-Oued est le débouché sur la plaine de Tafrata de l'étroite vallée de Debdou. Cette vallée a vaguement la forme d'un cornet dont Debdou serait le fond. Les bords en sont formés de montagnes escarpées où des kasbah sont perchées comme de vieux bourgs féodaux. Au fond de vallée coule un ruisseau clair sur des cailloux blancs. Partout des arbres, des jardins, des fleurs sauvages. Quand on arrive de Merada, on se croirait en terre promise.

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