mercredi 30 avril 2008

Les marocains en déroute. Un nouveau massacre pour rien.


L'artillerie néfaste a remisé son canon et c'est une batterie de campagne qui poursuit maintenant de ses feux la fuite présumée de l'ennemi; Jusqu'au petit jour chacun reste a son poste. Alors l'ordre arrive de monter à cheval. Nous allons pourchasser les Marocains en déroute.

Au pas d'abord, à travers la plaine caillouteuse, notre escadron accompagné d'un autre,que nous avions rejoint en arrivant à Taourirt la veille s'avance en ligne de pelotons par quatre. Devant nous s'éploie en éventail le goum du capitaine M... Nous gagnons l'oued Za, nous longeons la vieille kasbah de Taourirt, nous traversons de hautes moissons d'orge où nos chevaux creusent un sillon dévastateur, des cimetière calmes, tout étonnés de ce spectacle nouveau. A l'ombre d'un gros térébinthe à demi mort, un vieux tombeau s'est entr'ouvert sous le poid des chevaux qui passent. Ce qui nous précèdent crient: «attention au trou!» et nous allons toujours. Sur le sentier les Marocains que nous poursuivons ont abandonné des sandales d'alfa tant leur fuite est rapide.

Derrière une crête, l'escadron s'arrête. De l'autre côté crépitent les coups de feu. Le contact est reprit. Un officier paraît; il dit: « Mon capitaine, nous traversons l'espace découvert quatre par quatre en fourrageurs!... » Nous passons la crête. Nous nous trouvons à la naissance d'un ravin que nous descendons au galop sous le feu de l'ennemi. Les Marocains tirent haut, des bords escarpés d'un petit cirque de rochers. Les deux escadrons vont s'entasser dans une gorge étroite, où nous sommes si serrés qu'une balle arrivant dans cette foule ne pourrait manquer d'y commettre du dégât.

Heureusement nous sommes en angle mort. Homme par homme, au galop, nous traversons l'oued Za, et l'escadron se trouve rassemblé sur l'autre rive. Nous formons réserve.
L'autre escadron et les goumiers se battent contre les Marocains qui garnissent le col d'El-Groun. Vers notre gauche s'avance nombreuse de burnous. Paraît une estafette au galop qui a dit à C...: «Mon lieutenant, ordre de tirer sur ces Marocains. Le capitaine R... dit qu'ils nous tournent.»

En un clin d'oeil, les chasseurs sont pied à terre. A douze cents mètres ils ouvrent le feu. L'objectif est visiblement en désarroi; des hommes tombent. Soudain le capitaine R... accourt,
criant: «Cessez le feu, cessez le feu, ce ne sont pas des ennemis!... Mais des naturels paisibles fuyant le lieu du combat!» Allons ce n'est que la deuxième méprise de la matinée. Les hommes remontent doucement à cheval.

Autour du col, le feu redouble: les goumiers font, sur la teinte ocre de la montagne, des taches blanches. Et le joyeux soleil du matin éclaire vivement cette scène violente. Enfin, le passage est libre. A la faveur d'une arrière-garde, qui se disperse comme poussière au vent, le gros des Marocains cherche à gagner le gué d'El-Mahdi, où ils seront hors d'atteinte, puisque nous ne pouvons franchir la Moulouya.

Cependant la poursuite reprend avec plus d'ardeur que jamais; nous trottons sur des roches plates nous descendons des parois vertigineuses. Derrière nous, un compagnie de la Légion montée, garnissant le col d'El-Groun, assure notre repli. La route est toujours jonchée de sandales abandonnées.
Enfin, les escadrons débouchent en ligne de pelotons par quatre sur un vaste plateau qui borde immédiatement la rivière. A notre gauche, nous distinguons les éclaireurs d'une colonne venant de Merada et qui descend le long du fleuve. Mais, entre nous et la Moulouya, il n'y a rien; rien que le désert jaune et tout au fond de la vallée, un rideau d'arbustes grisâtres. La harka a
réussi à passer l'eau.

Sur l'autre rive, à deux mille mètres au moins, on distingue les burnous15 ennemis hors d'atteinte. Nos deux colonnes se sont jointes trop tard pour emprisonner comme dans un étau nos adversaires, et ce combat fini par une fusillade inutile. Nous échangeons d'impuissants coup de feu.

Quelque balles passent encore en bourdonnant. C'est fini. Nous rentrons. Sur le chemin, de temps en temps, nous voyons des tas blancs, qui sont des Marocains tués. Près de l'un d'eux, un vieillard prie d'une voix lamentable. Dans la kasbah, que nous longeons à nouveau, trente cadavres alignés représentent, comme après une battue, le tableau de l'attaque nocturne.

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