mercredi 30 avril 2008

Une fin tragique.


A notre retour, la population de Taourirt nous fit fête. Mais nous apprenons que le chasseur Léger, blessé cette nuit par l'obus, vient de mourir. On l'a enterré hier matin. Sur sa tombe ouverte, le général Toutée et le capitaine ont prononcé des discours émus. Un zouave séminariste a récité un De Profundis16 chacun des assistants, sur le cercueil de bois blanc sonore, a jeté une poignée de cette terre que le brave Léger a contribué à conquérir, et, graves, les hommes étant remontés à cheval, nous avons repris le chemin de Merada.


Ici s'arrêtent ces souvenirs. Une grave blessure de l'auteur a interrompu la suite de ses écrits. Mais l'odyssée de son escadron ne se termina pas à Taourirt. Le 23 mai, quelques jours seulement après les événements qui précèdent, une patrouille de chasseurs d'Afrique, sortie du camp de Merada, descendait le long de la Moulouya pour protéger un troupeau de boeufs, paissant aux environs de la vieille kasbah ruinée.


Les hommes étaient en fourrageurs, l'esprit aux aguets, tendu à cause de la surprise possible. Pas assez pourtant. Car soudainement, au revers d'une crête, quinze têtes noires, surgissant comme des diables, envoient autant de balles à la petite troupe. Le cheval «Cyclope», touché en plein poitrail, roule sur le sable fin qu'il ensanglante, entraînant dans sa chute son cavalier bléssé d'une balle à l'épaule.


Au demeurant, ce qui se passe ensuite est bien connu de tous. Le soir du 23 mai, les feux allumés sur toutes les collines voisines apprenaient à la colonne Toutée, moisissant toujours dans l'atmosphère empestée de Merada, au milieu des tempêtes de sable, que les troupes du général Moinier venaient d'entrer à Fez.


Cependant, on se battait sans résultat dans les néfastes montagnes de Debdou, où pour la deuxième fois, tombaient inutilement quantité des notres. C'est là qu'est mort le brave commandant Roumens. Percé d'une balle, souffrant un atroce martyre, il regardait en souriant ses tirailleurs, qui se battaient autour de lui comme des lions. Pâle de la mort qui venait, mais restant debout par un effort de suprême d'énergie, il répondit à un de ses officiers inquiet, qui le questionnait: « J'ai une balle dans le ventre, depuis une demi-heure, mais il ne faut pas le dire. »


Paroles antiques dignes d'être gravées sur une tombe spartiate.
Un chasseur d'Afrique.


Pierre tombale de Casimir Roumens au cimetière français de Debdou

(ou du moins ce qu'il en reste...)

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