mercredi 30 avril 2008

comme au temps héroïque des croisades!


Merada, 22 mai.




Avec le plus grand sang froid chacun avait pris ses dispositions pour la nuit. Vu la fatigue et l'heure tardive on remit le passage au lendemain. Comme nous mourions de sommeil nous nous endormîmes vite sous le regard tutélaire d'une lune à son dernier quartier. Vers 2 heures du matin, je crus dans mes rêves reconnaître le sifflement familier. J'ouvre l'oeil et, comment dépeindre mon étonnement? Près du village j'aperçois cent petites étincelles pétillantes; autour de nous passe comme une grêle rapide: les Marocains.
On entend le cri: «aux armes!»



De toutes les tentes, comme d'autant de tombeaux, autant de revenants, des ombres surgissent qui sont les soldats courant à leur poste de combat. Les légionnaires campés de hauts marabouts sortent en silence et se précipitent à la tranchée. J'en vois d'à moitié endormis qui se prennent les pieds dans des cordes de vente et tombent en vociférant des jurons tudesques. C'est comique, mais personne n'y fait attention!



Nous sommes surpris, mais bien vite les remparts se garnissent de leurs défenseurs. Le feu des Lebel répond à celui des assaillants dont on entrevoit les vêtements blancs dans la nuit. Les éclairs rapides des détonations strient l'obscurité tandis qu'autour de nous se multiplient les sifflements. En face de nous les Marocains. Pour s'exciter au combat, chantent des versets du Coran avec des modulations bizarres et c'est d'un effet saisissant ces étranges prières qui montent dans la nuit comme aux temps héroïques des croisades. Ce sont toujours les Sarrasins d'autrefois, ils n'ont pas changé et leurs traditions sont les mêmes. Quel chemin parcouru et quelle différence pourtant entre nous et les chevaliers de jadis!



Du haut du Djorf pointu, un premier coup de canon retentit: au dessus de nos têtes, l'obus passe en ronflant et va éclater aux abords du village. Un deuxième part à sa suite, mais il éclate un peu plus près de nous, chacun s'émerveille de la virtuosité du pointeur jonglant avec les projectiles comme un adroit bateleur avec des balles de liège. Au deuxième obus, un troisième succède et celui-là, tombe tout près des fils de fer qui entourent le camp. Nous n'en croyons pas nos yeux admiratifs et légèrement inquiets. Tout à coup une quatrième détonation retentit. Pour le coup, l'obus est dans le camp (erreur ou accident). Une lueur rougeâtre, une fumée épaisse, une détonation, cela ne dure qu'un instant. C'est en plein dans le 3e peloton. On voit des chevaux qui bondissent sur place et tirent désespérément sur leurs entraves. Puis un court silence et tout de suite après les cris de: «Halte au feu !»







Cadavre d'animal sur le bord de la piste.

« trois chevaux gisent éventrés et quatre hommes sont blessés. La consternation est générale. »



Comme par enchantement le combat s'arrête sur cette face du camp. Seules passent quelques balles attardées. Les officiers s'empressent autour de l'endroit où le malheur s'est produit. Trois chevaux gisent éventrés et quatre hommes sont blessés. La consternation est générale.

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